ORIGINES DU JEU Dans la France médiévale, le mot jeu de paume désignait de manière globale tous les jeux impliquant de frapper ou pousser une balle avec la main. De nos jours, le terme désigne presque exclusivement le jeu de courte paume, jeu se pratiquant avec des raquettes dans une salle rectangulaire entourée de galeries sur trois côtés (un des grands et les deux petits). Ces jeux de balle à la main étaient connus dans l’Europe médiévale, et les plus anciennes traces écrites en France de ludus pilae (jeu de pelote) ne sont pas antérieures au XIIème siècle. Pendant longtemps, on pensa pouvoir établir une filiation directe entre ces jeux et les jeux de phaenide des grecs ou de pila trigonalis des romains. Rien n’est moins sûr, et le manque de documentation concernant l’Europe du haut Moyen Age laissera probablement pour toujours cette question sans réponse. Actuellement, les historiens sont plus enclins à imaginer que les jeux pratiqués dans l’antiquité connurent une lente évolution avec de nombreuses ramifications.
Les premières formes du jeu de paume se jouaient en extérieur, sur une prairie ou dans un chemin. Au cours du XIIIème siècle, le jeu pénétra dans les cités et se pratiqua dans les rues ou sur les places et parvis. A partir du XVème siècle, 1’accroissement de la population rendit l’exercice du jeu plus délicat, voire même impossible dans les espaces publics urbains. Les joueurs durent alors se replier autre part ; certains s’enfermèrent dans une salle et engendrèrent le jeu de “ courte paume ” ; d’autres utilisèrent des terrains spécifiques en marge sinon en dehors des cités, et continuèrent la pratique du jeu sous sa forme initiale, mais désormais dénommé de “ longue paume ”.
des galeries à l’imitation des cloîtres médiévaux. Ce raisonnement eut comme conséquence d’affirmer une origine ecclésiastique au jeu de paume. Il semble que l’origine des galeries des salles de paume soit autre, et qu’elles sont la transposition d’une particularité des rues et places médiévales. En effet, les bâtiments possédaient, juste au dessus du rez-de-chaussée, un toit légèrement incliné couvert de planches ou de tuiles sous lequel s’installait l’étal d’un marchand. Plusieurs enluminures ou documents écrits prouvent que cette toiture était utilisée par les joueurs, mais également que les spectateurs pouvaient s’y abriter. Lorsque l’exercice des jeux de balle devint impossible dans les rues, les joueurs de courte ou de longue paume eurent à cœur de recréer certaines des conditions des jeux qu’ils pratiquaient. Ainsi les salles de paume furent pourvues de galeries, alors que les terrains de longue paume eurent un appentis utilisé comme toit de service. Les premières représentations de joueurs en activité figurent dans des enluminures remontant, pour les plus anciennes, au début du XIVème siècle. On y voit des personnages frappant de la main un “ esteuf ”, c’est à dire une balle faite de bourre de poils ou d’étoupe de laine recouverte d’une peau de mouton cousue. Par la suite, les joueurs eurent de plus en plus recours à un vecteur de frappe. L’introduction de ces instruments de frappe eut une incidence sur la fabrication des “ esteufs ” qui devinrent de plus en plus durs et dont, à partir des années 1580, on préféra recouvrir le noyau avec du coton au lieu du cuir employé jusque là.
Les premiers instruments utilisés au jeu de paume furent probablement des gants servant aussi bien à protéger la main qu’à renvoyer la balle. Par la suite, les gants s’allongèrent pour donner plus de puissance, mais furent concurrencés par les battoirs, instruments en bois composés d’un manche et d’une tête, cette dernière étant la plupart du temps recouverte de parchemin. Les premières raquettes, c’est à dire un manche terminée par une tête pourvue d’un cordage, semblent apparaître au XIVème siècle. Cependant, on ne peut prouver leur utilisation pour le jeu de courte paume avant le début du XVIème siècle, période pendant laquelle elle devint progressivement l’instrument presque exclusif de la pratique de ce jeu. Jusque vers le milieu du XVIIIème siècle, la tête des raquettes affectait une forme en goutte. Par la suite, elle devint excentrée, avec un côté presque plat et l’autre bombé. Cette forme particulière encore en usage actuellement est due au fait que les balles rebondissent peu ; ainsi, une raquette dont un côté est presque plat permet de mieux cueillir les balles très près du sol.
Ce n’est donc que dans la seconde moitié du XVème siècle que le jeu de (courte) paume prit la forme qu’on lui connaît de nos jours. A partir de cette période, le jeu connut une extraordinaire popularité qu’il est difficile d’imaginer au XXIème siècle. Tous les témoignages concordent pour prouver qu’il était pratiqué par toutes les couches de la population, et qu’il n’était pas seulement réservé à une élite sociale comme on a trop tendance à le croire aujourd’hui. L’engouement pour ce jeu peut se mesurer par quelques chiffres ou de nombreuses références littéraires. Les chiffres les plus éloquents concernent le nombre de jeux de paume répartis sur tout le territoire. A la fin du XVIème ou au début du XVIIème siècle, on ne dénombrait pas moins de deux cent cinquante jeux de paume à Paris, huit à Bourges, environ vingt-cinq à Rouen, une quarantaine à Orléans, une quinzaine à Bordeaux, treize au Mans, huit à Angers, etc… A cette liste, il faut ajouter ceux dépendant de châteaux dont certains pouvaient en abriter plusieurs, comme au Louvre, à Blois, Saint-Germain-en-Laye, Fontainebleau, etc… Autre trait marquant de la popularité du jeu, beaucoup d’expressions et mots issus du monde de la paume sont passés dans le langage courant : Epater la galerie ; tomber à pic ; prendre la balle au bond ; qui va à la chasse perd sa place ; rester sur le carreau ; bisque, bisque rage… Outre cet aspect, des auteurs comme Rabelais, Erasme ou Rousseau ont vanté les vertus ou les inconvénients du jeu ; d’autres, tels Brantôme, La Fontaine, Scarron, ont évoqué le jeu ou ses salles, témoignant à leur manière qu’ils faisaient partie d’un univers quotidien. la fabrication des raquettes et des balles, la fourniture des tenues de jeu, l’entretien des salles, l’enseignement du jeu, ou l’organisation des parties. Dès le XIIIème siècle, une communauté de maître paumier était établie à Paris, impliquant que le jeu était suffisamment développé pour qu’un corps de métier spécifique ait vu le jour. La communauté s’accrut avec l’essor du jeu, au point que, selon un observateur étranger visitant la capitale en 1596, le jeu faisait vivre à peu près sept milles personnes. Ce chiffre comprenait aussi bien les maîtres paumiers et leurs assistants, que tous les corps de métier liés à cette activité : fabricants de filets ou de tenues de jeu, fournisseurs des matériaux (bois pour les raquettes, boyaux pour les corder, laine pour fabriquer les balles), etc… Aujourd’hui encore, ce sont les maîtres paumiers qui animent les salles. Ils perpétuent un savoir faire et transmettent aux nouvelles générations toutes les subtilités du jeu tout en le faisant évoluer et progresser.
L’âge d’or du jeu de paume fut incontestablement la période allant de la fin du XVème au premier tiers du XVIIème siècle. A partir des années 1630 – 1650, il amorça un déclin qui alla en s’accentuant avec le temps. Conséquence de la régression du nombre de joueurs, de nombreuses salles disparurent ou furent affectées à d’autres activités. A Paris, il n’y avait plus que douze salles en activité à la veille de la Révolution, contre, rappelons le, près de deux cent cinquante vers 1600. Au cours du XIXème siècle, le chiffre se réduisit à une dizaine de salles pour tout le pays, pour finalement tomber à trois puis deux salles entre les deux conflits mondiaux. La réouverture de la salle de Fontainebleau en 1989 permit au jeu d’être pratiqué dans trois endroits en France (les deux autres étant Paris et Bordeaux-Mérignac).
Bibliographie - Le livre de référence sur l’histoire du jeu de paume en France est celui d’Albert de Luze, La magnifique histoire du jeu de paume, Paris – Bordeaux, 1933. L’exploitation de nouvelles sources d’archive et l’intégration de recherches menées par des anglo-saxons ont permis de renouveler et d’affiner certains points sur l’histoire du jeu, mais aussi d’offrir de nouvelles pistes de recherche. Une synthèse est présentée dans le catalogue de l’exposition tenue au château de Fontainebleau en 2001 à l’occasion de quatrième centenaire de la construction du jeu de paume de Fontainebleau, Jeux des rois, roi des jeux. Le jeu de Paume en France, Paris, 2001.
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